« Du bout de mes doigts aux aguets, j’effleurai le duvet imperceptiblement hérissé le long de ses mollets. »
"Lolita", de Vladimir Nabokov
Entortillé, hirsute, soyeux, clairsemé, touffu, dru, dressé, doux, long, court, ondulé, ras, brossé, ébouriffé, décoloré, pourquoi le poil... Et pourquoi pas ? Tout récemment réconciliée avec les miens, je me suis interrogée quant au ressenti des autres, autour de moi, hommes et surtout femmes.
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(Haydée Politoff, "La Collectionneuse" d'Eric Rohmer)
Voici quelques unes des réponses qui m'ont été données par un échantillon de jeunes français entre 20 et 30 ans :
LE POIL ET VOUS ?
- C'est de l'entretien, comme quand tu tailles la haie en face de chez toi, tu veux qu'elle soit belle. C'est aussi une question de confort.
- Je suis un peu une maniaque du combo jambes et aisselles sans poils.
- C’est très beau, Je kiffe les poils !!! Surtout sur les autres.
- Le pubis doit pouvoir s'exprimer mais je garde le contrôle.
- Je ne suis pas attiré par les poils. Je n'aime pas trop avoir des poils sur les fesses.
- Je n’aime pas trop les poils sauf bras et jambes et un peu sur le torse.
- Je me rase la barbe et les poils du nez.
- Mon poil je l'aime bien, ça m'embête un peu de m'en débarrasser dans l'absolu, je le trouve joli et doux.
- Il y a des périodes ou j'aime ça et des périodes hygiénistes ou il faut que tout soit clean.
- J'ai une relation conflictuelle avec les poils en général ! Je n'aime pas ça. Mon partenaire a intérêt à être limite imberbe.
LES GENS ENTIÈREMENT ÉPILÉS ?
- Un torse imberbe, c'est comme un bisou sans moustache.
- Je hais l'épilation totale, je suis pour un max de naturel.
- Ca glisse. Et ça me dégoute.
- Ils ne sont bons qu'à jouer dans des pornos ou à satisfaire les fantasmes pédophiles.
- Pour les nanas je comprends mais pour les mecs, ça fait acteur porno gay.
- Ils n'ont pas tort puisque le poil ne sert plus à rien.
- Ça me met très mal à l'aise. On dirait Barbie ou Ken. Il y a un côté aseptisé, artificiel, "photoshop" dans la vraie vie.
- J'aime les femmes totalement épilées, douces comme du marbre.
- Un sexe épilé me fait penser à un sexe d'enfant, je trouve ça anti-sexy.
POUR QUI S’ÉPILE T-ON ?
- Pour ma conjointe et mon confort perso.
- Pour moi d'abord, pour le sexe opposé aussi.
- Pour moi, pour mon partenaire, et aussi forcément pour la société.
- Je m'épile d'abord pour mes poils. Puis pour moi. Mais jamais pour la société.
- On s'épile pour les autres et pour l'idée que l'on se fait de soi-même dans le regard des autres.
- C'est quand même un phénomène de société.
- Tout ce qu'on fait c'est pour les autres.
- L'épilation est quand même une sorte d'automutilation absurde. C'est presque uniquement pour la société, pour pouvoir me promener les bras en l'air, les jambes à l'air.
- J'aime bien m'épiler, mais c'est plus l'acte qui me plaît que le résultat.
- Je m'épile uniquement les narines pour m'intégrer en société et pour garder une crédibilité.
- Beaucoup plus pour les autres que pour soi
au final.
- Les garçons de nos jours sont sensibles, ça serait dommage de les faire fuir. Je pense que beaucoup de nanas s'épilent pour les mecs.
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(Laetitia Casta dans "Le Grand Appartement")
Où s'arrête la liberté que l'on a sur notre propre corps ? Les poils ne devraient ils pas recevoir un entretien semblable à celui de notre chevelure ? La mode nous invite déjà à nous accorder avec nos semblables mais là il s'agit d'un acte fort, d’un phénomène naturel que nous réduisons à néant pour satisfaire les idées préconçues de notre société. Si le poil vous dégoûte, c’est qu’il est très souvent associé à tort à la saleté, comme si en s'épilant, on passait l'aspi sous le canap’ pour y retirer des moutons de poussières.
Il est intéressant de voir qu’un simple sondage sur les poils est une réelle étude sociologique. L’acceptation du poil chez les autres et soi-même est très révélatrice de notre tolérance et de notre taux d’exigence envers autrui. Les réponses sont aussi significatives de l'influence que la société a sur nous. Ce sondage soulève en effet bien des interrogations et la question « Pour qui vous épilez-vous ? » pourrait se décliner en un tas d’autres sujets impliquant une transformation corporelle non-naturelle, guidée par le bon-vouloir d'autrui.
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(Pauline Jacquard et ses aisselles dans "L'Apollonide" de Bertand Bonello)
LE POIL EST BON
Le poil est notre ami, le poil nous protège des irritations et des coups. Il conserve notre corps au frais quand nous avons trop chaud, le poil est un récepteur tactile très important, il fait partie intégrante de notre sens du toucher. Le poil est essentiel dans le contact affectueux, il est sensible aux caresses. Le poil nous fait ressentir des émotions, il est signe de maturité sexuelle. Le poil communique les émotions, il nous veut réellement du bien, le poil est bon.
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(Björk, dans le clip de Pagan Poetry)
LE POIL EST BEAU
Le poil est sexy, le poil est agréable à la vue, il stimule la libido, le poil de Haydé, "La collectionneuse" d’Eric Rohmer est délicat, celui de la "Lolita" de Vladimir Nabokov est fin et soyeux, il possède un fort pouvoir érotique, le poil de Björk dans Pagan Poetry est sublime, le poil des prostituées de "L’Apollonide" est libre et majestueux, le poil de Francesca (Laetitia Casta) dans "Le grand Appartement" est frais et militant, le poil est en harmonie avec notre corps, le poil est beau.
Vous l'avez bien compris je suis plutôt favorable au port du poil. Bien sûr, je ne dis pas qu'il ne faut pas y toucher et les laisser grandir et fleurir sans surveillance : il faut les entretenir, comme un beau jardin, les dompter et non les abolir. La mode et la publicité, surtout, très lisses, à l'image de l'esthétique idéale fantasmée par notre société, nous dictent un uniforme corporel à revêtir (ou plutôt dévêtir), un uniforme que je vous invite à ne pas enfiler par crainte du regard. Soyez libres de choisir vous-même la tenue qui vous va le mieux, réconciliez-vous avec cette partie de vous, vos poils vous appartiennent.